Comité SST

Le retrait préventif de la travailleuse enceinte : mythe ou réalité?

À une époque pas si lointaine, le droit au retrait préventif de la travailleuse enceinte n’existait tout simplement pas. Depuis son implantation en 1981, cette mesure de prévention avant-gardiste permet, chaque année, à des milliers de Québécoises de travailler durant leur grossesse, tant qu’elles sont affectées à des tâches sans danger pour elles ou pour l’enfant à naître. Ce n’est qu’à défaut d’être affectées à de telles tâches par leur employeur qu’elles pourront cesser de travailler et recevoir les indemnités prévues à la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Malgré ses bienfaits indéniables, cette mesure suscite plus que jamais des polémiques. Aujourd’hui, il n’est pas rare d’entendre des commentaires du genre « Moi, ma mère trayait les vaches le matin de son accouchement! » ou encore « Auparavant, les femmes travaillaient jusqu’à la fin de leur grossesse et personne ne s’en plaignait! ». Certain-e-s dénoncent aussi les coûts générés par l’application du programme Pour une maternité sans danger. D’autres se permettent de douter de son efficacité qui, selon eux-elles, n’aurait pas été démontrée. Il faut dire que la méconnaissance des dangers liés aux conditions de travail peut expliquer de telles réactions, sans oublier les préjugés et les stéréotypes sexistes qui peuvent exister en ce domaine. Mais qu’en est-il exactement?

Les risques identifiés et les principales recommandations formulées par les médecins en santé au travail sont basés sur des études épidémiologiques et des recherches scientifiques. En outre, certains dangers font l’unanimité parmi les nombreuses banques existantes de recommandations médicales. Les connaissances sur la relation causale entre le travail effectué et des issues défavorables de la grossesse se sont améliorées au fil du temps. Il est désormais connu que certaines conditions de travail peuvent être associées à une naissance prématurée, à un retard de croissance intra-utérine ou de développement psychomoteur, à une malformation congénitale, à une insuffisance de poids pour l’âge gestationnel, à un avortement spontané ou à une naissance d’un bébé mort-né.

Les risques organisationnels réfèrent aux conditions de travail qui peuvent perturber l’équilibre biopsychosocial de la travailleuse enceinte telles que le travail de nuit, la rotation ou un horaire de travail irrégulier. Il est largement documenté que ces conditions de travail, particulièrement le travail de nuit, peuvent causer une interruption de grossesse ou un accouchement avant terme.
Plus de 50 % des réclamations acceptées par la CSST en matière de retrait préventif concernent les risques liés aux contraintes ergonomiques telles que la position assise ou debout prolongée, les postures contraignantes, la manipulation de charges et la cadence de travail. S’ajoutent aussi les risques de chute et d’agression liés à la sécurité.

Au nombre des risques chimiques pouvant avoir des effets nocifs sur l’embryon ou le fœtus, il y a entre autres la manipulation ou l’exposition à des gaz anesthésiants ainsi que la manipulation de médicaments antinéoplasiques. Mentionnons également les risques liés aux contraintes physiques comme les radiations ionisantes auxquelles la travailleuse enceinte ne doit aucunement être exposée.

Quant aux risques biologiques relatifs aux microorganismes présents dans l’environnement de travail, les recommandations médicales sont à l’effet d’éliminer des tâches de la travailleuse enceinte celles où elle est à risque de blessures par piqûres ou par coupures, d’éclaboussures sur une muqueuse, ou d’être exposée à du sang ou à d’autres liquides biologiques. Elle ne doit pas non plus avoir de contacts étroits avec la clientèle pédiatrique ou un client adulte connu ou suspecté contagieux en raison de maladies telles que la tuberculose, l’influenza ou tout autre syndrome d’allure grippale.

À la lumière de ces informations, force est d’admettre que le retrait préventif de la travailleuse enceinte est une mesure de prévention essentielle pour la femme, en raison de sa grossesse, et pour la santé, voire la vie, de l’enfant à naître. Les représentants patronaux qui se plaignent des coûts trop élevés du programme Pour une maternité sans danger n’ont qu’à offrir aux travailleuses enceintes des conditions de travail exemptes de danger afin qu’elles puissent à la fois demeurer au travail et vivre en toute quiétude leur grossesse. Comme la réalité dépasse le mythe, tous les efforts doivent être déployés pour optimiser l’application de cette mesure profitable pour l’ensemble de la société.

SST au courant?

Selon une étude récente sur le stress, menée par des chercheurs de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas de Montréal, les complications obstétricales, l’insuffisance de poids à la naissance et le retard de développement physique chez l’enfant sont autant d’aspects pouvant être influencés par le stress maternel prénatal.

Lorsqu’une complication de grossesse ou un danger d’interruption de grossesse exige un arrêt de travail, la travailleuse enceinte ne peut bénéficier du droit au retrait préventif puisqu’elle doit être apte médicalement à faire un travail. Cependant, elle a droit à un congé spécial dont la durée est prescrite par un certificat médical, conformément à l’article 22.19A-a) de la convention collective FIQ 2011-2015.

Votre équipe syndicale locale peut vous guider dans vos démarches concernant l’exercice du droit au retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite. Elle peut également vous aider à faire valoir vos droits auprès de votre employeur et de la CSST.

Si vous travaillez dans plus d’un centre d’activités ou dans plus d’un établissement, vous devez procéder de la même façon pour identifier tous les dangers liés à chacun de vos postes de travail et pour exercer le droit au retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite.

En vertu de l’article 122 de la Loi sur les normes du travail, un employeur doit, de son propre chef, déplacer une salariée enceinte si les conditions de travail de cette dernière comportent des dangers physiques pour elle ou pour l’enfant à naître. La salariée peut refuser ce déplacement sur présentation d’un certificat médical attestant que ces conditions de travail ne présentent pas les dangers allégués. Il n’est donc pas suffisant que la salariée qui refuse d’être déplacée signe tout simplement une lettre dégageant la responsabilité de l’employeur.