Comité SST

Compressions, stress et détresse

Un matin, Chantal se présente au bureau syndical, complètement bouleversée. Elle raconte que la situation sur son département est devenue absolument intolérable. Le climat de travail s’est sérieusement détérioré depuis que l’employeur a annoncé son intention d’abolir plusieurs postes parmi ceux qu’occupent les professionnelles en soins dans l’établissement. Toutes sont inquiètes des impacts qu’aura cette annonce sur la répartition du personnel et sur l’organisation du travail. Le stress est palpable, les relations sont tendues et le travail d’équipe est perturbé.

Croyant sincèrement qu’elle ne serait pas visée par ces abolitions, Chantal n’a pas immédiatement été affectée par la nouvelle. Après tout, a-t-elle pensé, j’occupe un poste sur un département où le travail ne manque pas. Or, après avoir obtenu de plus amples renseignements sur les suppressions annoncées, elle comprend qu’elle a tout faux : plusieurs postes de son département seront abolis, dont celui qu’elle détient.

Chantal devra donc utiliser la procédure de supplantation prévue à sa convention collective, laquelle devrait lui permettre d’accéder à un autre poste. Elle est toutefois consciente du fait que le choix sera limité. Elle n’a que quelques années d’ancienneté, et ce ne sont pas tous les postes actuellement vacants qui l’intéressent ou qui correspondent à son plan de carrière.

Cette situation, déjà amplement stressante, prend cependant une tournure très délicate lorsque Chantal constate que le seul poste convenable qu’elle peut obtenir en vertu de cette procédure est celui qui est actuellement détenu par son amie Annie. Chantal passe alors par toute une gamme d’émotions, allant même jusqu’à perdre le sommeil. Qu’arrivera-t-il? Doit-elle privilégier une amitié au détriment de son emploi et de son cheminement professionnel?

Aux membres de l’équipe syndicale qui l’accueillent ce matin-là, Chantal mentionne également que les relations avec nombre de ses collègues se sont détériorées. En effet, plusieurs ont commencé à lui faire des remarques qui la rendent anxieuse et font croître son niveau de culpabilité de façon inquiétante. Elles expriment ouvertement leur désaccord à ce qu’elle supplante son amie. Elles lui disent qu’elle ne devrait pas prendre le poste, car Annie en aurait apparemment plus besoin qu’elle, puisqu’elle vient d’avoir un enfant et qu’en plus, son conjoint a récemment perdu son emploi. Une collègue l’a même traitée d’égoïste, ce qui a fait éclater une chicane dont des patient-e-s ont été témoins. Le service des ressources humaines a d’ailleurs indiqué qu’il souhaitait la rencontrer à ce sujet. Quelles sanctions pourrait-on lui imposer? Cet évènement est certes inacceptable, mais les choses sont tellement devenues insoutenables… Chantal raconte tout cela en pleurant. Elle ne cache pas son désarroi, ni la détresse qu’elle ressent face à la situation.

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L’histoire de Chantal illustre bien les conséquences que peuvent avoir les décisions visant la rationalisation des ressources. Malheureusement, devant la volonté manifeste du gouvernement de privilégier l’austérité et les compressions pour pallier l’impasse budgétaire du Québec, des cas comme ceux-ci, où abolitions riment avec stress et détresse, risquent de se présenter de plus en plus souvent. Que peuvent faire les professionnelles en soins pour affronter de telles situations? À qui peuvent-elles s’adresser pour obtenir de l’aide et le soutien nécessaires, pour elles-mêmes ou pour leurs collègues? Comment faire en sorte que soit préservée, le mieux possible, leur santé psychologique?

La première porte à laquelle vous pouvez frapper est celle du bureau de votre équipe syndicale locale. Cette dernière saura vous accueillir et vous renseigner sur l’état réel de la situation. En effet, les équipes locales font tout en leur pouvoir pour obtenir, de la part des ressources humaines, des plans d’effectifs clairs, précis, concrets et chiffrés. Il faut aussi savoir que le syndicat peut parfois s’entendre avec l’employeur sur des façons de procéder qui minimisent les impacts des réductions d’effectifs. Par contre, il n’est pas rare que l’employeur « oublie » d’informer le syndicat et, pour cette raison, il ne faut jamais prendre pour acquis que toute l’information circule correctement. Dès lors, il devient encore plus important de vous adresser à votre équipe locale pour en savoir plus et d’en profiter pour lui transmettre les informations que vous détenez de votre côté, les constats que vous tirez, etc. Le fait qu’elle soit au courant des différentes facettes de la situation, des conflits qui émergent ou de la détresse que certaines personnes ressentent est un outil de plus pour intervenir efficacement.

De plus, lors d’une rencontre avec l’employeur et particulièrement dans le cadre d’une procédure de supplantation, il est important que vous exigiez la présence d’une représentante syndicale pour vous conseiller. Le syndicat s’assurera ainsi que la convention collective est appliquée et que vos droits sont respectés, et il vous guidera tout au long du processus.

Malgré tout, il est possible que vous n’arriviez pas à gérer votre stress de façon adéquate. Si vous sentez que votre santé psychologique ou même physique est affectée, n’hésitez pas à consulter. Diverses ressources peuvent vous procurer l’aide nécessaire. Par exemple, vous pouvez faire appel au Programme d’aide aux employé-e-s (PAE) de votre établissement, ou à des services professionnels externes. Sait-on jamais : peut-être que votre situation pourrait être reconnue comme étant une lésion d’origine professionnelle par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST).

Les expériences de suppression de poste et de réorganisation de toute sorte peuvent être stressantes. Souvent les émotions prennent le pas sur la raison, guidant plus ou moins bien les choix et les façons d’agir. Lorsqu’une personne est en proie à l’anxiété, au stress ou à la colère, elle peut facilement se laisser emporter. Les mots dépassent alors la pensée, les conflits émergent, la solidarité et le soutien ne sont plus au rendez-vous. Et pourtant, de bonnes relations peuvent avoir un effet tellement bénéfique sur la santé! L’équipe n’empêche peut-être pas les abolitions de postes, mais elle est certainement un puissant antidote au stress et à la détresse.

Il est donc important de faire attention aux personnes qui nous entourent, de nous concentrer sur les choses sur lesquelles nous avons du pouvoir : un travail de collaboration avec nos collègues, notre équipe syndicale, nos proches et notre famille.

Et n’oubliez pas qu’en tout temps, votre équipe syndicale est là pour vous. N’attendez pas que la situation se détériore avant de faire appel à ses services.

SST au courant?

Vous devriez communiquer avec votre syndicat si vous recevez une lettre de l’employeur concernant toute abolition, fusion ou fermeture de poste ou d’unité, et ce, même si la lettre mentionne qu’une copie conforme lui a été envoyée.

Quoique plus difficiles à démontrer, les lésions de nature psychologique sont maintenant reconnues par la CSST comme pouvant être d’origine professionnelle. La façon d’écrire et de décrire en détails les évènements survenus au travail est toutefois cruciale afin d’établir leur relation probable avec la lésion psychologique. Votre équipe syndicale locale peut vous conseiller et vous guider à cet effet.

Vous pouvez obtenir l’information nécessaire sur le Programme d’aide aux employé-e-s de votre établissement auprès de votre syndicat ou, encore, en vous adressant au Service de santé de votre employeur. Le PAE est entièrement confidentiel et les intervenant-e-s vous guideront, gratuitement, vers les services qui vous conviennent le mieux.