Je dénonce

CIUSSS du Saguenay – Lac-Saint-Jean cas #965

Bonjour, la présente est pour vous faire part d’une situation qui se passe présentement dans nos établissements de santé.

Comme vous le savez, le printemps n’a pas été de tout repos pour tout le monde compte tenu de la pandémie qui a frappé la planète. Chacun y a mis du sien afin que tous ensemble, on puisse combattre le virus. À l’intérieur des murs des hôpitaux, tous étaient afferrés aux préparatifs de combats, tel le fait une armée sur un camp de base à la veille d’une grande bataille.

Voyant l’importance de la situation, tout le monde y a mis du sien. Chacun a mis la main à la pâte afin que l’armée soit grande, forte et unie pour affronter ‘’la bête’’. Tous et chacun ont été solidaires, ont travaillé davantage, en offrant des disponibilités de travail additionnelles, en faisant du temps supplémentaire volontaire, en orientant de nouvelles infirmières de manière accélérée afin qu’elle se joignent elles aussi au combat.

On a revu tous nos protocoles et manières de faire, on a appris à travailler autrement, en donnant tout le petit change qui se trouvait dans notre poche.

Et puis, est arrivé l’arrêt ministériel. L’arrêt qui a fait tomber notre convention collective afin de, soit disant, mieux faire face à la crise. C’était notre première ligne de soldat de guerre qui était détruite. Changement d’horaire, augmentation de quart de travail sans consentement. Des quarts de travail imposés de jour, soir, nuit, fin de semaine, hallelujah. On a malgré tout continué de foncer, laissant derrière nos familles et responsabilités familiales au nom du “devoir de l’ange-gardien”. Il n’y a plus d’école, les service de garde sont restreints, il est maintenant interdit de voir nos familles, familles qui nous fuyaient comme la peste car nous “travaillons avec les contagieux”. Nous avons tous usé de débrouillardise afin de pouvoir crier “PRÉSENTE!” quotidiennement au combat! On a tout donné, on s’est oublié afin de faire ce qu’il fallait.

Mais par la suite, un autre coup de canon s’est fait entendre: l’octroiement de nos vacances d’été a été retardé, nous faisant planer le doute de les voir tout simplement annuler. La petite lumière de repos que l’on voyait au bout du tunnel venait de s’éteindre. Plusieurs états d’âme ont alors éclaté; découragement, incompréhension, la fatigue était maintenant palpable dans toutes les équipes, on se sentait abandonnées et prises pour acquis par le système.

On s’est donné la main et soutenu tous ensemble, on s’est donné une épaule pour s’écouter, mais nous étions maintenant abandonnées au détriment de la gestion. Nous nous sommes retrouvées seules. La petite équipe de combat se battait maintenant contre la gestion et la pandémie. Nous, employés, qui étions alliés avec les dirigeant contre la pandémie, étions maintenant redevenues 2 équipes de guerre distinctes, n’ayant plus le même point vue pour mener à bout toute cette guerre.

Les semaines ont passé, on a tenu le fort, fort qu’on tient d’ailleurs depuis des années, voir des décennies.

La pandémie a ralentit, on a débuté le déconfinement de la population, les cas actifs en région se comptent sur les doigts de la main et les hospitalisations sont absentes depuis des semaines. On reprend graduellement notre souffle, sans lâcher pour autant.

Toutes les maladies qui étaient présentes avant la pandémie, le sont encore aujourd’hui. Notre bataille, celle qu’on lutte quotidiennement pour nos patients, est toujours présente, même si elle ne fait pas la manchette.

L’été est arrivé, on reprend peu à peu notre cours normal, on jongle avec les temps supplémentaires encore et toujours présents, qu’ils soient volontaires, ou non, en ayant la peur au ventre de devoir rester pour faire un quart supplémentaire quand vient le temps de partir à la maison.

Cette réalité, elle est constante dans notre système de santé. Les infirmières du Québec subissent et endurent depuis trop longtemps cette pression, tout ça pour l’amour et la sécurité de nos patients. Afin de leur offrir le meilleur, on sacrifie notre bien-être et ce dans le silence et la résilience.

Mais hier, nous avons reçu le dernier coup de canon qui nous a tous fait tomber au combat. Nous sommes maintenant au sol, impuissantes devant notre employeur. Impuissantes face à nos actions possible. Car malgré toute cette tempête, le patient a toujours besoin de nous.
Rappelons nous que la pandémie est quasi-inexistante dans nos milieux de soins. L’employeur a malgré tout, prétextant l’urgence et les besoins reliés à la pandémie, obligé tous les travailleurs à un horaire temps complet durant toute l’été, sans qu’on puisse choisir, sans qu’on puisse refuser. Un horaire temps complet, sous le règne de la dictature. Plusieurs nous dirons:” Nous travaillons aussi à temps complet, et ce depuis toujours”. Il est vrai qu’une grande majorité des travailleurs Québécois occupent un poste à temps complet. Mais chez la majorité de ces travailleurs, le temps supplémentaire obligatoire n’existe pas, ainsi que le travail de fin de semaine, de jour, de soir, de nuit. Ces trois quart, parfois dans la même semaine. Les journées fériées? On ne sait pas ce que c’est! Encore moins de ce qui est de la semaine de relâche, du réveillon de Noël ou du Jour de l’an. Les demandes de congé, refusées plus souvent qu’autrement.

Nous travaillons à raison de 3 à 5 jours par semaine, en offrant régulièrement des disponibilités supplémentaires, tout en organisant les besoins pour la famille. Nous sommes régulièrement confrontées à du temps supplémentaire obligatoire, qui d’ailleurs est la majeure raison du pourquoi la majorité d’entre-nous refusent d’occuper un poste à temps plein. Travailler temps plein, une fin de semaine sur deux, avec du temps supplémentaire obligatoire, où trouverions-nous le temps de s’occuper de notre foyer et de répondre à nos obligations familiales? Où trouverions-nous le temps de juste respirer un peu et de passer outre la souffrance visualisée au quotidien? Étant un milieu majoritairement féminin, plusieurs femmes sont aussi mères monoparentales. De plus, cet été vu le contexte pandémique, les activités pour les enfants sont plus rares, et pas toujours accessibles à tous.
De conjuguer le tout, ce n’est pas une mince affaire, mais on le fait encore et toujours, pour l’amour de nos patients.

Les horaires, tout au long de l’année, mais davantage celles d’été, sont un problème de gestion qui perdurent depuis tellement longtemps, que nous avons peine à se souvenir si le tout a déjà fonctionné adéquatement. Après des années de mauvaises gestions, la direction trouve toujours réponse en bousculant ceux qui sont au front, en leur imposant des conditions exécrables, au lieu de réaliser une introspection et d’effectuer des changements positifs dans l’organisation, pour un avenir meilleur.

Je fais donc appel à vous aujourd’hui afin de vous sensibiliser à notre réalité. Nous vous demandons votre support, votre main d’appui. Car en dénonçant tout haut et en s’alliant tous ensemble, peut-être qu’il y aura une ouverture quant à la possibilité de négocier de meilleures conditions de travail pour nous. Si ce n’est que pour l’été, on aura ça de gagné!
Tout ça afin qu’on puisse reprendre toute les forces nécessaires afin d’être prêtes et de crier “PRÉSENTE!” à nouveau, pour nos patients, afin de combattre… la deuxième vague.

Signé, une infirmière à bout de souffle et de ressources.