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FIQ (Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec)

Formation initiale des infirmières – La demande de l’OIIQ : une menace dangereuse et inutile pour les systèmes de la santé et de l’éducation

Lettre ouverte transmise aux grands quotidiens québécois le 22 janvier 2014, signée par :

  • Régine Laurent, présidente, Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec – FIQ
  • Thérèse Laforest, conseillère syndicale, secteur Tâche et Organisation du travail, L.L.L., Ph. D. (D.Ri.), CRIA
  • Jean Villeneuve, conseiller syndical, secteur Recherche (relations de travail), M. Sc., CRHA

Le dossier sur la formation initiale de la relève infirmière vient de prendre une orientation importante et déterminante. En effet, le 8 janvier dernier, devant l’absence de consensus au sein du groupe de travail mandaté pour travailler sur ce dossier, le gouvernement refusait d’acquiescer à la demande de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) visant à rendre obligatoire le baccalauréat en sciences infirmières pour la relève infirmière. Par ailleurs, le gouvernement proposait une démarche et un ensemble de travaux à mener pour documenter davantage cette question, de tels travaux étant susceptibles d’orienter et de soutenir éventuellement la prise de décisions dans ce dossier.

Vu la très forte conviction manifestée par la majorité des membres du groupe de travail quant à la nécessité d’entreprendre de tels travaux, la FIQ juge non seulement mensonger, mais aussi pernicieux que les porte-étendards de la demande de l’OIIQ associent la récente décision gouvernementale à une offensive syndicale ou institutionnelle corporatiste. À ce sujet, il importe de rappeler que cette décision, empreinte de réalisme et de sagesse, a été favorablement accueillie non seulement par la FIQ et les professionnelles en soins qu’elle représente, mais aussi par des organisations patronales et gouvernementales des réseaux de la santé et de l’enseignement.

Plutôt que de prendre acte de la décision gouvernementale et de refaire ses devoirs, l’OIIQ ne témoigne d’aucune intention d’amender sa demande initiale, entretenant ainsi la division au sein de la communauté infirmière. Il est important de rappeler que cette demande de l’OIIQ a perdu, au fil de l’évolution des travaux, des appuis importants de décideurs au sein du réseau de la santé, ces décideurs étant de moins en moins convaincus de la pertinence ou de la faisabilité de cette demande. C’est pourquoi les ministres de la santé et de l’enseignement supérieur ont commandé de nouveaux travaux dans ce dossier pour sortir de l’impasse causée par l’OIIQ.

Pour sa part, la FIQ, largement appuyée par une volumineuse et rigoureuse recherche documentaire, par le traitement et l’analyse de données statistiques probantes, par des recherches et des enquêtes terrains auprès de ses membres et de la population a, dans le cadre des travaux du groupe de travail, soulevé plusieurs réserves tant sur la pertinence que sur la faisabilité de la demande de l’OIIQ.

Ces réserves portaient notamment sur les problèmes actuels concernant les cursus académiques, l’insuffisance chronique et croissante de ressources humaines, matérielles et financières qui affligent les institutions d’enseignement supérieur et particulièrement les universités, l’état préoccupant des finances publiques, l’absence de garantie de fournir un financement nécessaire et suffisant pour supporter tous les coûts directs et indirects générés par un rehaussement de la norme d’entrée à la profession infirmière et ses découlants, les dysfonctionnements en matière d’organisation du travail dans les établissements du réseau de la santé et des services sociaux ainsi que la pénurie actuelle et anticipée d’infirmières.

La FIQ demeure convaincue que l’obligation de détenir un baccalauréat pour la relève infirmière risquerait d’affaiblir non seulement le réseau de la santé, mais aussi celui de l’enseignement collégial. En effet, si la demande de l’OIIQ avait été avalisée, le DEC en soins infirmiers serait devenu la seule formation technique collégiale dont le diplôme terminal ne donnerait pas accès à l’exercice d’un métier ou d’une profession sur le marché du travail : ceci aurait créé non seulement un important accroc législatif, mais aussi une menace à la raison d’être des programmes techniques au niveau collégial et à la vocation première des cégeps.

En ne permettant plus l’octroi du droit d’accès à l’exercice de la profession infirmière à la suite de l’obtention du diplôme collégial, le DEC en soins infirmiers serait devenu un diplôme non qualifiant, c’est-à-dire un diplôme « en rien ». La demande de l’OIIQ aurait donc créé une brèche et un précédent majeurs, la composante DEC du DEC-BAC en soins infirmiers devenant une coquille vide. Cette demande de l’OIIQ était et demeure incompatible avec la structure actuelle des programmes de l’enseignement collégial.

Un tel chambardement aurait pour conséquences probables de réduire l’attraction à la profession infirmière et de diminuer l’accessibilité aux études en raison notamment des coûts supplémentaires inhérents aux études universitaires et au manque de proximité des lieux universitaires d’enseignement en région dû à la grandeur du territoire. Les dommages collatéraux prévisibles tant pour les étudiantes que pour l’enseignement, la santé et la population sont trop importants pour aller de l’avant avec cette demande.

Au fil des travaux du groupe de travail, il est devenu de plus en évident pour plusieurs de ses membres que la demande de l’OIIQ ne tenait pas la route et avait du plomb dans l’aile. Plusieurs autres propositions ont alors été amenées par la FIQ, l’AQESSS, le MESRST et le Secrétariat du Conseil du trésor pour sortir de l’impasse.

Contrairement à l’OIIQ qui est demeuré sourd à tous les arguments remettant en question sa demande, la FIQ a pour sa part témoigné d’une très grande ouverture. Elle a écouté non seulement les interventions et les préoccupations de ses membres, mais aussi celles des autres partenaires en soins infirmiers. Elle a joué un rôle proactif et constructif dans ce dossier notamment en concevant et en soumettant un modèle qui lui apparaissait plus pragmatique, rassembleur, réaliste et réalisable à court terme. Ce modèle québécois intégré, tel que proposé par la FIQ, s’inspire d’États et de pays, dont les États-Unis notamment, où la stratégie adoptée vise à rehausser le nombre d’infirmières détentrices d’un baccalauréat en sciences infirmières sans le rendre obligatoire à l’exercice de la profession. Cette stratégie consiste à mettre en place des mesures facilitantes pour favoriser et accélérer une hausse significative du nombre d’infirmières détentrices d’un baccalauréat.

Forte de sa connaissance du réseau de la santé et des services sociaux, de l’expertise de ses membres et des besoins criants des patients, la FIQ s’est positionnée de manière à sauvegarder la capacité du réseau à continuer de dispenser des soins accessibles, sécuritaires et de qualité. Elle entend bien continuer de jouer son rôle majeur de leader en soins infirmiers tant pour la défense des intérêts de ses membres que pour la protection des soins et des services dispensés à la population québécoise. C’est dans cet esprit que la FIQ s’engagera activement à toutes les étapes de la démarche annoncée par les ministres de la santé et de l’éducation visant à alimenter et à faire cheminer cet épineux et complexe dossier.

Pour en savoir davantage, consulter le site Internet de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec – FIQ  au  www.fiqsante.qc.ca/formation-initiale-infirmiere.