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FIQ (Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec)

Pour un réseau de la santé inclusif

Pour un réseau de la santé inclusif

Lors de sa création, le système public de santé visait l’accessibilité universelle aux soins. Or, on se rend compte que malgré cette volonté, l’objectif de départ n’a pas été atteint. En effet, il appert que certaines personnes évitent de recourir au réseau de la santé par peur de revivre une discrimination. L’une des manières de parvenir à l’accessibilité universelle aux soins serait donc l’intégration d’une vision intersectionnelle au sein de notre réseau pour identifier les obstacles qui mettent en péril l’accessibilité pour toutes et tous, bénéficiaires ou salarié-e-s.

Parler d’intersectionnalité est complexe et amène son lot de questions. L’intersectionnalité implique d’être sensible aux différentes oppressions vécues par les personnes de notre entourage et d’être consciente des interactions entre les différents systèmes d’oppressions : le racisme, le colonialisme, le sexisme, le capitalisme, etc.

La société a un devoir d’ouverture. Il faut accepter de déconstruire le mythe de l’universel, représenté par l’homme blanc, et de prendre en compte les récits, savoirs et expériences des autres groupes de la communauté. Ange-Marie Hancock, professeure à l’University of Southern California, explique justement que :

« Quand quelque chose commence à devenir acceptable, ce n’est pas parce que tout le monde l’accepte, mais parce que celles et ceux qui ne l’acceptent pas commencent à ressentir le besoin d’en débattre. »

Ange-Marie Hancock, professeure, University of Southern California

Ce n’est donc pas nécessairement parce qu’une minorité crie que s’amorcera un changement, mais bien parce que la majorité ne souffrant pas de cette discrimination commence à « voir » la situation et à la trouver dérangeante. La plupart du temps, c’est lorsque les hommes blancs constatent la discrimination que le processus s’enclenche pour la résoudre.

Dans le même ordre d’idées, en tant que professionnelles en soins qui travaillons dans un milieu à prédominance féminine, nous faisons face à du sexisme. Posons-nous la question : qu’adviendrait-il si l’approche intersectionnelle était appliquée au sein du réseau de la santé? Que se passerait-il si le sexisme disparaissait? Quelles inégalités subsisteraient entre les professionnelles en soins? Il est primordial d’y réfléchir pour le bien-être de toutes.

Malheureusement, les différents systèmes d’oppressions, comme mentionnés précédemment, mutent constamment. Ainsi, prétendre que la souche du problème est réglée serait utopique, car d’autres problèmes apparaissent. Il faut toujours demeurer alerte et vigilante face à nos comportements et à notre manière de penser, puisque qu’ils sont comme une boucle sans fin. Prendre conscience de nos propres préjugés et biais est essentiel : tout le monde en a, sans exception. D’où l’importance d’inclure dans nos réflexions les réalités de toutes les personnes qui forment notre communauté.

Durant la première vague de la COVID-19, par exemple, si le gouvernement avait analysé de manière intersectionnelle le réseau de la santé, il aurait constaté que certaines professionnelles en soins sont racisées, d’autres monoparentales, proches aidantes ou encore tout cela à la fois. Il aurait alors pu adapter les directives mises en place pour mieux répondre aux besoins d’un plus grand nombre de professionnelles en soins.

Le terme réducteur d’« ange gardien », utilisé abondamment par le gouvernement durant la pandémie, rabaisse aussi les professionnelles en soins à un stéréotype bien présent chez la population : c’est notre vocation féminine qui nous a fait choisir cette profession et nous donnerons des soins peu importe les conditions ou le prix. C’est évidemment faux et il faut le dire haut et fort.

La plupart d’entre nous avons été élevées dans un monde patriarcal, empreint de racisme, où l’homme blanc prenait, et prend encore aujourd’hui, les décisions. Nous devons donc travailler ensemble pour déconstruire les différents rapports de pouvoir que nous vivons au quotidien.

En omettant de voir ces rapports de pouvoir, invisibles aux yeux de certaines personnes à cause des préjugés, ou parce que ces rapports semblent tout simplement banals, nous reproduisons le même schéma historique. La société doit évoluer dans une direction où plusieurs vérités, possibles et entières, pourront coexister.

En tant que professionnelles en soins, nous avons également ce pouvoir et ce devoir de penser autrement, de réécrire une partie de l’histoire à notre manière, de partager notre vision inclusive, de la mettre en œuvre dans la manière de soigner nos patient-e-s ou d’interagir avec nos collègues de travail, dans notre façon d’éduquer nos enfants ou d’agir auprès de notre communauté.

Imaginez un monde où toutes et tous, ensemble, nous ferions tomber les barrières. Là commencerait l’inclusion.

"Égalité Équité Inclusion"; crédit image : UQAM, inspirée de l’illustration originale créée par Craig Froehle, University of Cincinnati (https://edi.uqam.ca/lexique/equite/)
Crédit image : UQAM, inspirée de l’illustration originale créée par Craig Froehle, University of Cincinnati (https://edi.uqam.ca/lexique/equite/)

Pour en savoir plus sur l’intersectionnalité, consultez le compte-rendu des échanges du Réseau des femmes qui s’est tenu l’automne dernier.

Kime Gobeil, comité Condition féminine