3 janvier 2014

Dans le milieu de la santé, tout est axé sur la performance. Les établissements et le personnel du réseau doivent constamment se conformer à diverses normes provenant tant du ministère et des agences de la santé et des services sociaux que d’organismes tels qu’Agrément Canada. À l’aide de statistiques, des comparaisons sont établies entre les établissements du réseau, sans toutefois tenir compte des réalités qui peuvent parfois être très différentes d’un endroit à l’autre. Des entreprises sont engagées pour évaluer le rendement des professionnelles en soins, dans l’objectif d’accroître l’efficience. De nouvelles façons de faire leur sont imposées, alors que les équipes de travail sont peu consultées. La règle prescrivant de faire plus avec moins s’applique implacablement à elles comme aux budgets alloués. Ainsi, elles ont l’impression, à juste titre, d’être contraintes à exécuter de plus en plus rapidement leur travail.

Or, les professionnelles en soins sont formées pour accomplir un travail de qualité auprès de clientèles vulnérables. Cela requiert du temps. Paradoxalement, elles ont peine à concilier la performance qui est exigée de leur part et la relation d’aide qu’elles doivent établir avec leurs patient‑e‑s. Peu de place est laissée à la compassion dans un milieu où des obstacles et des contraintes organisationnelles empêchent d’agir en ce sens, alors que la détresse humaine se vit au quotidien. Même le temps requis pour faire de l’enseignement aux bénéficiaires est minuté, sans égard à leurs besoins spécifiques. Certes, un tel contexte peut générer du stress chez les professionnelles en soins, mais il peut également, à la longue, affecter leur santé.

Les quatre principales causes du stress au travail sont la perception de perte de contrôle, l’imprévisibilité, la nouveauté et le sentiment que son ego est menacé. Le fait d’en prendre conscience permet d’agir de façon préventive en situation de stress, de faire preuve de vigilance et de lâcher prise, s’il y a lieu, sur certains aspects.

Lors d’une conférence portant sur le stress au travail, le docteur Serge Marquis, consultant en santé mentale au travail, a expliqué que lorsque tout accélère et va trop vite, c’est le moment ou jamais de s’arrêter une minute pour réfléchir. À ce propos, le Dr Marquis a traité d’un stratagème ayant cours en Malaisie pour attirer et capturer les singes. Ainsi, le chasseur pratique une petite ouverture dans une noix de coco, la vide de son liquide et y dépose quelques grains de riz. Le singe, alléché par ce fruit suspendu à une branche d’arbre, force sa main dans la noix de coco pour saisir le riz. Ne pouvant retirer sa main de la noix sans renoncer au riz, il se met à gémir et à crier. Pourtant, il serait tellement plus simple de lâcher le riz pour retirer sa main et, de fait, échapper au chasseur.

En somme, cette anecdote révèle que lâcher prise, ou encore « lâcher le riz », est une excellente prescription contre le stress au travail et dans la vie en général.

Bonne et heureuse année 2014 en santé, en sécurité et, surtout, veillez à lâcher le riz!

SST au courant?

Au cours des dernières années, le ministère de la Santé et des Services sociaux a lancé un projet d’implantation de l’approche Lean Healthcare Six Sigma, basée sur la performance et la transformation organisationnelle, dans plusieurs établissements du réseau. La participation syndicale à ce projet est essentielle pour voir au meilleur intérêt des membres professionnelles en soins.

Lean, mot anglais qui signifie maigre ou dégraissé, sert à qualifier une théorie de gestion de la production marquée par la recherche de la performance en matière de productivité, de qualité, de délai et de coût. L’école de gestion Lean origine du Japon, plus particulièrement du Toyota Production System dans l’industrie automobile.

La formation Lean Six Sigma permet aux gestionnaires d’augmenter la rapidité des opérations de leur entreprise, notamment en milieu hospitalier, et de réduire les activités à valeur non ajoutée ou les pertes de temps et d’espace dues aux déplacements, à la duplication d’opérations, à l’attente et au manque de coordination.

Bien que l’approche Lean soit adaptable à tous les secteurs d’activités économiques, elle ne fait assurément pas consensus. Certaines études et communications scientifiques questionnent d’ailleurs l’atteinte même des objectifs et sonnent l’alarme sur les risques potentiels de dégradation des conditions de travail.

Source pathogène de stress excessif et de troubles musculosquelettiques (TMS), la recherche poussée de la performance peut compromettre sérieusement la santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs, selon des spécialistes du travail, des ergonomes et des psychologues. La vigilance est donc de mise!