Comité SST

Quand refuser peut vous sauver!

« C’était une belle journée ensoleillée. Je commençais à peine ma tournée de soins à domicile, et j’en étais à mon deuxième patient. Un patient qui, avec son humeur changeante, avait parfois un comportement violent. Une fois dans la maison, je me suis rendue compte qu’il n’était pas dans le salon, comme à son habitude, mais plutôt dans le sous-sol. Sa conjointe m’a alors indiqué que je devais y descendre pour aller lui donner ses soins. Devant son insistance, et même si j’étais hésitante, je suis tout de même descendue doucement, en tentant au mieux de prendre connaissance des lieux. Je me disais que le patient avait absolument besoin de ses soins.

C’est alors que tout a basculé. Le patient s’est retrouvé devant moi, semblant peu coopératif et très agressif. J’ai voulu appeler à l’aide, mais au même moment, j’ai ressenti une vive douleur. Mon patient était en train de me frapper. À chaque coup que je recevais, je me disais intérieurement : pourquoi suis-je descendue? Pourquoi ne me suis-je pas écoutée? Pourquoi n’ai-je pas REFUSÉ d’y aller? »

Le risque de subir une agression alors qu’elles prodiguent des soins et des services est, malheureusement, bien réel pour les professionnelles en soins, que ce soit en soins à domicile ou dans n’importe quel autre milieu. Heureusement, certaines mesures peuvent être prises afin de contrôler ce risque, et parmi celles-ci il y a ce que l’on appelle le droit de refus.

Le droit de refus est clairement inscrit à la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST): « Un travailleur a le droit de refuser d’exécuter un travail s’il a des motifs raisonnables de croire que l’exécution de ce travail l’expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou peut avoir l’effet d’exposer une autre personne à un semblable danger. » (LSST, art. 12) Deux exceptions sont toutefois prévues (LSST, art. 13). Le droit de refus ne peut être exercé s’il a pour effet de mettre en péril immédiat la vie, la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’une autre personne, ni si les conditions d’exécution sont normales dans ce genre de travail (par exemple, un-e ambulancier-ère ne pourrait refuser de se rendre sur les lieux d’un accident sous prétexte que la chaussée est glacée, si toutes les mesures adéquates ont été prises pour contrôler ce risque).

Lorsqu’une professionnelle en soins vit une situation où elle croit raisonnablement qu’un danger réel et immédiat existe et qu’elle décide alors d’exercer son droit de refus, il est important d’en aviser sans délai sa supérieure immédiate, son employeur ou un représentant de celui-ci. S’amorcera alors rapidement un processus paritaire d’examen de la situation et d’évaluation des correctifs à apporter. Il est aussi possible que l’intervention d’un-e inspecteur-trice de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) soit requise en cas de désaccord sur le danger ou sur les solutions apportées.

Évidemment, chaque cas est différent et doit être traité comme tel. Dans l’histoire relatée plus haut, la professionnelle en soins aurait dû, après avoir constaté le risque réel et immédiat auquel elle s’exposait (contexte de soins inhabituel, méconnaissance des lieux et absence d’inspection préalable, agressivité du patient, insistance de la conjointe, etc.), refuser de descendre au sous-sol. Toutefois, ceci est souvent plus facile à dire qu’à faire. Pour se protéger adéquatement contre le risque d’agression, si l’on ne peut pas toujours agir à la source même des dangers, il est important d’avoir les connaissances et les outils pour évaluer correctement la situation et réagir de façon appropriée. Et surtout, il est important de ne pas se sentir coupable si un tel évènement devait survenir. S’il est vrai que le-la travailleur-euse doit prendre les mesures essentielles pour se protéger, l’employeur a la responsabilité de prendre les moyens nécessaires afin d’assurer la santé, la sécurité et l’intégrité physique de celui-celle qui est à son emploi (LSST, art. 51). De plus, la professionnelle en soins peut en tout temps compter sur l’appui de son équipe syndicale locale. Cette dernière sera en mesure de l’éclairer sur le droit de refus, de l’accompagner tout au long du processus, de la diriger vers les ressources pertinentes au besoin et de cibler des moyens visant à éviter qu’une telle situation ne se reproduise.

Même si les professionnelles ont à cœur de dispenser des soins aux patient-e-s, elles ne doivent jamais mettre leur vie en danger, ni celle d’autrui. En prévention, il faut se rappeler que parfois refuser peut vous sauver!

SST au courant?

L’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur des affaires sociales (ASSTSAS) propose une intéressante et pertinente brochure, Prévention des agressions lors d’interventions dans la communauté – astuces de sécurité.

L’article 30 de la LSST prévoit qu’aucune mesure de discrimination, de représailles ou de sanction ne peut être prise contre un-e travailleur-euse qui exerce son droit de refus. Si tel devait être le cas, celui-celle-ci pourra soit recourir à la procédure de grief prévue à sa convention collective, soit soumettre une plainte par écrit à la CSST. Son équipe syndicale locale lui sera alors d’une précieuse aide.

La décision d’un-e inspecteur-trice de la CSST, même si elle est exécutoire, peut faire l’objet d’une demande de révision et d’une contestation devant la Commission des lésions professionnelles dans les 10 jours de sa réception (LSST, art. 20).

Le-la travailleur-euse qui exerce son droit de refus est réputé-e être au travail lorsqu’il-elle exerce ce droit (LSST, art. 14). L’employeur peut exiger qu’il-elle demeure disponible sur le lieu de travail et l’affecter temporairement à une autre tâche qu’il-elle est raisonnablement en mesure d’accomplir (LSST, art. 25). Si il-elle travaille en soins à domicile, son lieu de travail est le CLSC.

Des codes de couleurs différentes sont prévus dans les établissements afin de mobiliser les intervenant-e-s lorsque survient une situation d’urgence. Dans les cas où l’on se retrouve face à une personne violente, c’est la procédure prévue par le code blanc qui permet de demander de l’aide. Il est important que chaque professionnelle en soins reçoive la formation adéquate quant à l’utilisation de cette procédure.

En 2013, 37,7 % de l’ensemble des lésions attribuables à la violence en milieu de travail reconnues par la CSST concernaient la catégorie « personnel de la santé ».