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FIQ (Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec)

La violence conjugale : urgence d’agir

La violence conjugale : urgence d’agir

Avec la pandémie de COVID-19 et un nombre grandissant de personnes en télétravail, le taux de violence conjugale a augmenté au Québec et au Canada. Depuis février 2021, au moins sept Québécoises ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. Le fléau des féminicides, ça suffit! La FIQ et la FIQP, composées à près de 90 % femmes professionnelles en soins, considèrent que la violence conjugale est un enjeu social de taille qui mérite attention et financement.

La violence conjugale s’inscrit dans des rapports historiques d’inégalités entre les hommes et les femmes. Elle se manifeste dans un couple où les deux partenaires vivent une relation amoureuse intime. Selon l’INSPQ, « bien qu’elle puisse être exercée par les deux sexes, les études montrent qu’elle est généralement subie par les femmes et perpétrée par les hommes ». Elle peut être vécue à tous les âges, sans égard à la classe sociale et au niveau de scolarité. On reconnaît une dynamique de violence conjugale par l’emprise que l’agresseur exerce sur la victime. Il s’agit d’actes non-désirés et répétés dont la gravité tend à augmenter. Tout en affirmant sa domination et son pouvoir sur la victime, l’auteur de cette forme de violence s’assure qu’elle ne le quitte pas. Il est important de se rappeler que la violence conjugale est une prise de contrôle, et non une perte de contrôle de son auteur. Selon le ministère de la Sécurité publique du Québec, en 2015, les femmes composaient la totalité ou presque des victimes d’homicides (72,7 %), d’enlèvement (100 %), de séquestration (97 %), et d’agression sexuelle (97,4 %) commis par un conjoint ou un ex-conjoint.

Plusieurs stratégies peuvent être employées par l’agresseur pour maintenir la victime sous son emprise et malheureusement, encore aujourd’hui, certaines femmes ne vont pas chercher de l’aide car elles associent la violence conjugale à la violence physique uniquement. Or, la violence conjugale a plusieurs visages et certains sont subtils. En effet, certaines stratégies employées par les agresseurs peuvent s’immiscer, doucement mais sûrement, dans la vie des victimes. Le contrôle sur le plan économique en est un bon exemple.

Voici quelques mises en situation pour illustrer la violence conjugale. Vous y reconnaitrez peut-être une amie, une voisine, une sœur, une collègue ou encore, vous-même (référence : https://sosviolenceconjugale.ca):

  • Ton conjoint t’impose sa présence, ses amis, ses activités. Depuis que tu es avec lui, tu vois de moins en moins tes amies et ta famille. Il a tendance à dénigrer tes proches et il trouve toujours des prétextes pour éviter les contacts avec eux. Tu as le sentiment de vivre des représailles lorsque tu ne te conformes pas à ses attentes en décidant de discuter avec une amie ou de sortir voir tes parents.
  • Pendant une soirée, tu remarques que le conjoint de ton amie la ridiculise devant les autres. Il se moque ouvertement d’elle et l’humilie. Elle ne dit rien, mais tu constates qu’elle ne rit pas du tout.
  • Ton conjoint est souvent de mauvaise humeur. Dès qu’il revient à la maison, il donne le ton à votre soirée. Parfois, sans même prononcer un seul mot, tu sens qu’un climat de tension s’est installé et tu as l’impression de devoir marcher sur des œufs. Dans le passé, tu as tenté de lui en parler, mais il a toujours nié tes perceptions en te disant que « tu t’imaginais des choses », que « c’était toi le problème ».
  • Tu remarques que ta collègue est tendue depuis plusieurs semaines. Elle reçoit de nombreux textos de son conjoint, et ce, plusieurs fois par jour, tous les jours. Elle passe presque toutes ses pauses à discuter avec lui et les conversations ne semblent pas simples. Elle s’isole de plus en plus. Elle ne vient plus dîner avec toi et son conjoint l’attend presque toujours à la sortie de l’hôpital ou vient carrément dans le département.

Peu importe sa forme, la violence conjugale laisse des traces. Outre les blessures physiques, elle peut engendrer des conséquences psychologiques importantes sur les victimes et leur entourage. Selon l’OMS, elle peut entrainer des dépressions, des états de stress post-traumatique, des troubles du sommeil, de l’alimentation, de l’usage de substance et des idées suicidaires (référence : www.who.int/mediacentre/).

Au Canada, près d’une travailleuse sur trois a déjà subi de la violence conjugale.  Puisque l’emprise des agresseurs est puissante, pour plus de la moitié des victimes, la violence se poursuivait jusque dans leur milieu de travail. Êtes-vous surprises de lire que 41 % d’entre elles recevaient des appels ou textos et 16 % des courriels, alors qu’elles étaient au travail? 80 % des victimes ont d’ailleurs reconnu que la violence subie impactait leur rendement. Puisque la violence conjugale se vit jusqu’au travail, soyons attentives au vécu de nos collègues. Nous nous trouvons dans une position particulière permettant de dépister la violence conjugale. Étant des professionnelles de la santé, ne fermons pas les yeux devant la souffrance d’une collègue, d’une proche ou d’une usagère. La violence conjugale comporte des cycles dont les victimes peinent à se sortir. Plusieurs femmes vivent de la culpabilité, de la honte, de l’ambivalence face à leur relation. N’hésitons pas à discuter de nos préoccupations et d’offrir notre support, tout en respectant le rythme de chacune. Une attitude de non-jugement permet d’établir une relation de confiance et prévient l’isolement des victimes.

Pour la FIQ et la FIQP, une disposition législative reconnaissant l’obligation de l’employeur de protéger la travailleuse victime de violence conjugale sur les lieux de travail au sein de la LSST est un bon début. Il est temps que les employeurs investissent aussi en matière de prévention et de sensibilisation auprès de leur personnel. En tant que professionnelles en soins travaillant auprès de la population québécoise, nous croyons qu’une formation en matière de détection de la violence conjugale devrait nous être offerte afin de jouer pleinement notre rôle d’agentes de changement pour une société égalitaire et exempte de violence.

Vous ou une membre de votre entourage vivez la violence? Contactez le 1 800 363-9010.

Caroline Flageol et Caroline Gravel, au nom du comité Condition féminine