4 mars 2014

La question de la légalité de la prostitution constitue une cause de division au sein de notre société. Ainsi, aborder ce concept est tout un défi. Or, en décembre 2013, la Cour suprême du Canada, après s’être penchée sur le sujet, a déclaré que trois articles de loi relatifs à la prostitution exposaient les femmes à des dangers pour leur sécurité et leur santé en les rendant vulnérables à la violence. Par le fait même, le plus haut tribunal du pays a déclaré que ces articles étaient incompatibles avec la Charte canadienne des droits et libertés et a donc donné un an au législateur canadien afin de modifier la loi en conséquence.

Dans ce jugement, la juge en chef déclare, en parlant de ces articles de loi, « [Qu’ils] ne font pas qu’encadrer la pratique de la prostitution. [Ils] franchissent un pas supplémentaire déterminant par l’imposition de conditions dangereuses à la pratique de la prostitution : elles empêchent des personnes qui se livrent à une activité risquée, mais légale, de prendre des mesures pour assurer leur propre protection » [ 1 ]. Il apparaît ainsi que le droit à la vie des prostituées est compromis, et ce, sans justification suffisante. En tant que professionnelles en soin, nous sommes à même de constater que cela est très inquiétant.

Le Canada n’a jamais criminalisé la prostitution. Malgré cela, le fait de tenir une maison de débauche, de communiquer avec quelqu’un à des fins de prostitution, de pratiquer le proxénétisme ou d’amener quelqu’un dans une maison de débauche est considéré comme illégal [ 2 ]. Ce paradoxe est de plus en plus problématique. En effet, malgré cette loi, Montréal est considéré comme l’une des plaques tournantes du tourisme sexuel [ 3 ] et la prostitution y demeure une activité majoritairement contrôlée par le crime organisé.  Au Québec, « dans 20 % des enquêtes du module sur l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales de la police de Montréal, le proxénète est lié à un gang de rue. Cette situation ne permet en rien d’améliorer le sort des femmes » [ 4 ].

Il existe différents courants de pensée qui divisent les féministes. L’un étant l’abolitionnisme qui vise «  l’abolition de toutes formes de réglementation concernant la prostitution » [ 5 ]. De plus, l’abolitionnisme considère « les personnes prostituées comme victimes d’un système qui les exploite, [et donc] refuse toute forme de pénalisation de celles-ci » [ 6 ]. Certains regroupements , considérant que la responsabilité des conséquences de la prostitution incombe aux clients » [ 7 ]. À contrario, nous retrouvons les regroupements de défense des « travailleuses du sexe » qui revendiquent la décriminalisation de tout ce qui touche de loin ou de près la prostitution. Nous devrons analyser les tenants et aboutissants de ces deux courants pour prendre les bonnes décisions. D’ailleurs, pourquoi ne pas proposer un modèle qui regrouperait les points communs des différentes approches et tenter de travailler ensemble pour le bien des femmes?

À cet égard, les député-e-s canadien-ne-s auront des questions fondamentales à se poser au courant des prochains mois. Comme féministes et professionnelles en soins, nous savons que les déterminants de la santé peuvent aider des femmes à se sortir de certaines situations difficiles. Pensons, par exemple, à l’élimination de la pauvreté qui peut se faire en assurant à tout le monde d’un revenu décent.

Le comité condition féminine vous invite à poursuive cette réflexion dans une perspective d’établir des rapports égalitaires entre les hommes et les femmes.

 

Notes

1 – http://scc-csc.lexum.com/decisia-scc-csc/scc-csc/scc-csc/fr/item/13389/index.do#_Toc375287361

2 – http://www.aidslaw.ca/publications/interfaces/downloadFile.php?ref=198

3 – http://www.cathii.org/

4 – http://www.lapresse.ca/dossiers/la-prostitution-a-montreal/200810/02/01-25618-elles-sont-marquees-au-fer-battues-brulees.php

5 – http://www.implications-philosophiques.org/ethique-et-politique/philosophie-politique/le-debat-sur-la-prostitution/

6 – Idem

7 – Idem