Le prix invisible de l’austérité

Quand l’État se désengage, qui en paie le prix? Souvent les femmes. Davantage utilisatrices des services publics et nombreuses à y travailler, elles écopent deux fois plutôt qu’une. Cette réalité frappe de plein fouet les professionnelles en soins, qui doivent composer avec une charge de travail supplémentaire dans les établissements, tout en assumant davantage les soins dans leur famille avec toujours moins de soutien de l’État.

Les femmes représentent :

75 % des effectifs en sciences de la santé
80 % des salariées qui donnent des soins
75 % des personnes qui séjournent dans les institutions de soins à long terme
75 % des personnes qui donnent des soins aux proches et des bénévoles

Des milliards de dollars par année sont « économisés » grâce au travail non rémunéré des femmes au Canada.

Les réformes dans le réseau de la santé vont souvent main dans la main avec des mesures d’austérité, et la réforme Dubé n’y fait pas exception. Pour parler de la réalité des proches aidantes dans un contexte d’austérité, Murielle Placide témoigne de son expérience en tant qu’infirmière auxiliaire et proche aidante.

murielleweb — Murielle Placide, infirmière auxiliaire et proche aidante

Témoignage | Proche aidance

Murielle Placide a de nombreuses cordes à son arc : maman de deux enfants, militante syndicale, féministe et antiraciste, animatrice à la radio communautaire, bénévole, infirmière auxiliaire avec de l’expérience en CHSLD, en centre hospitalier, en CLSC, en soins à domicile et en équipe volante, survivante du cancer et proche aidante depuis 16 ans pour son fils Fabrice qui a une déficience intellectuelle légère et de nombreux enjeux de santé. C’est son engagement pour la justice sociale qui l’a guidée dans ses choix de vie et vers sa profession, mais la naissance de Fabrice a été un tournant décisif pour elle.

« Quand on est proche aidante, ce n’est pas un rôle qu’on choisit. C’est un engagement qui arrive, ça naît avec le lien affectif qu’on a avec la personne, on a la responsabilité du bien-être d’une personne. Au fur et à mesure, je me suis retrouvée à tout planifier, mais, sincèrement, je n’étais pas préparée à assumer tout cela même si je suis très fière d’avoir mon fils avec moi. »

Selon elle, les tâches de proche aidante sont multiples, souvent invisibilisées et commencent bien avant le premier diagnostic. Elle a dû passer par plusieurs intervenant-e-s avant de finalement obtenir réponse à ses questions et elle a dû insister à chaque étape. Des démarches douloureuses et parsemées de deuils.

Le soutien à domicile, les travailleuses sociales et les programmes de soutien à la famille lui permettent de prendre un peu de répit, mais elle dénonce la formule actuelle. « À cause des listes d’attente, à cause du manque de ressources, le soutien à domicile est centré sur l’autonomisation des familles et comme je suis dans le milieu de la santé, il y a plusieurs tâches qui me sont déléguées, mais il faudrait plus de soutien. » Dans le contexte d’austérité actuel, les critères pour obtenir de l’aide se multiplient et son soutien à domicile est passé de 10 heures 15 minutes à 5 heures 45 minutes par semaine, ce qui ne suffit pas pour l’ampleur des besoins de son fils.

Elle insiste cependant sur l’importance de son réseau de soutien et tient à communiquer un message de solidarité à toutes les professionnelles en soins qui vivent une situation similaire à la sienne. « À toutes celles qui vivent le rôle de proche aidante dans l’ombre, qui se tiennent debout sans se plaindre, qui encaissent sans craquer et surtout avec résilience : vous n’êtes pas seules. Nos silences parlent, nos gestes comptent et nos blessures méritent d’être vues, entendues et respectées. » Des ressources d’aide sont disponibles pour appuyer les personnes proches aidantes et les professionnelles en soins qui souhaitent mieux les accompagner.

Cet article a été publié dans l’édition no 1 du Magazine Résonance (septembre 2025) – ISSN 2819-4586 (PDF)