Le 29 avril au soir, des orages violents ont frappé Montréal. À l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, le pire a été évité de justesse. Une panne de courant majeure a paralysé des secteurs névralgiques : le bloc opératoire, les soins intensifs, la salle de réveil, l’unité coronarienne. Des fenêtres ont explosé dans des chambres de patients. Des ascenseurs sont restés bloqués avec du personnel à l’intérieur. Une infirmière a été blessée par une vitre brisée. Des professionnel-les-s de la santé ont dû continuer leur travail dans le noir, à la lueur de lampes frontales et de cellulaires. Tout cela, dans un hôpital public du Québec, en 2025.
C’est un miracle qu’aucun-e patient-e n’ait été gravement blessé ou n’ait perdu la vie cette nuit-là. Mais il ne faut pas se leurrer : ce genre d’incident pourrait à tout moment tourner à la tragédie. Et il n’a rien d’imprévisible. Le problème n’est pas la météo. Le problème, c’est un bâtiment vétuste, surchargé, aux systèmes défaillants, où chaque panne expose la vie des patient-e-s… et celle du personnel.
Ce n’est pas un hôpital, c’est un champ de mines. Et ce sont les professionnelles en soins qui doivent s’y aventurer chaque jour. Partout au Québec, des établissements de santé tombent en ruine pendant que le gouvernement mise sur des mégaprojets, négligeant la sécurité du personnel soignant et de la population. Ces lieux de soin sont devenus des zones à risque.
Le gouvernement parle de reconnaissance. Mais pendant que les ministres félicitent les équipes en conférence de presse, ce sont nos membres qui doivent composer avec des installations délabrées et dangereuses. Ce sont elles qui courent d’une urgence à l’autre, sans savoir si l’ascenseur va fonctionner ou si la génératrice va partir. Ce sont elles qui absorbent les conséquences de la négligence gouvernementale.
Maisonneuve-Rosemont est devenu un repoussoir. Qui voudrait travailler dans un établissement où la simple tempête du mois de mars peut transformer une salle de soins en zone sinistrée ? Comment attirer et retenir du personnel quand la sécurité physique elle-même n’est plus garantie ?
Le ministre Christian Dubé se dit rassuré. Nous, non. Nous sommes inquiètes, épuisées et en colère. Les excuses ne suffisent plus. Les beaux discours non plus. Depuis des mois, le gouvernement recule, temporise, remet les projets à plus tard sous prétexte de rigueur budgétaire. Pendant ce temps, la situation se détériore. Et ce sont nos membres et nos patient-e-s qui paient le prix.
Qui peut croire que si un immense trou s’ouvrait sur une autoroute et menaçait la vie des automobilistes, on attendrait trois ans pour le réparer ? On comblerait ce trou en urgence. On sécuriserait la zone sans délai. Parce que c’est une question de sécurité publique. Eh bien cette logique doit s’appliquer à Maisonneuve-Rosemont. Un hôpital vétuste qui met en péril la vie du personnel et des patients, c’est un gouffre dans notre réseau de la santé. Il faut le réparer. Maintenant.
Tout comme le Collège des médecins du Québec, nous lançons un cri du cœur. Et un cri d’alarme.
Le gouvernement doit immédiatement donner un échéancier clair, contraignant et public pour la réfection complète de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. Il doit cesser de soumettre le personnel à des risques évitables. Il doit investir sans délai dans un environnement digne pour celles et ceux qui sauvent des vies.
Tant que cet hôpital ne sera pas reconstruit, nous ne pourrons plus nous contenter de la rassurante formule « tout le monde est en sécurité ». Parce que ce n’est tout simplement plus vrai. À l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, la coupe est pleine. Et elle déborde.
Julie Bouchard
Présidente, Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec—FIQ
Crédit photo : Jeangagnon, Wikimedia Commons, sous licence CC BY-SA 3.0