Lettre ouverte

Vous avez dit humilité et écoute?

20 septembre 2025

Cette lettre signée par Julie Bouchard présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec est adressée au premier ministre François Legault. 

Le 11 août dernier, après la défaite de votre parti dans Arthabaska, vous avez déclaré : «Je pense que c’est le temps pour moi d’abord de faire preuve d’humilité et d’écouter les citoyens.»

À l’aube de la rentrée parlementaire, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec–FIQ vous rappelle vos propres paroles. Il est temps de les mettre en pratique, dès maintenant, en écoutant celles qui empêchent le réseau public de la santé de s’effondrer.

Depuis des mois, nos membres subissent les contrecoups de décisions et d’inactions gouvernementales qui mettent leur patience à rude épreuve.

Neuf mois après la signature de la convention collective, elles attendent encore des sommes qui leur sont dues. Le fameux processus unique de reconnaissance de l’ancienneté (PURA), censé reconnaître leur parcours et leur fidélité au réseau, a été retardé pour cause de mauvaise préparation. Derrière ces délais administratifs, il y a des femmes privées de reconnaissance et de revenus légitimes.

À cela s’ajoute le fiasco du système informatique SIFARH qui a englouti des centaines de millions pour… ne même pas verser correctement les primes prévues au nouveau contrat de travail. Pendant que vos budgets explosent, nos membres, elles, attendent leur dû.

Soins et services déficients

Les exemples où les soins et les services à la population sont déficients s’accumulent également. Le plus éloquent en liste? Celui de Rouyn-Noranda.

Depuis l’incendie, il n’y a plus de salle d’opération fonctionnelle. Des dizaines de femmes ont dû accoucher à plus de 100 km de chez elles, plongées dans l’angoisse et l’incertitude. Chaque mois de retard ajoute un risque inacceptable. Rouyn-Noranda ne peut plus attendre — et vous non plus.

Le réseau de la santé est à un point de rupture et ce sont les patient-e-s qui écopent.

Alors que les médecins spécialistes et omnipraticiens ont commencé leurs moyens de pression, le réseau de la santé fait du surplace.

Votre gouvernement a une obligation de résultat et ce n’est pas en maintenant la ligne dure avec les médecins que ces négociations vont se conclure.

Plus que jamais, le réseau de la santé a besoin de tout le monde, y compris des médecins! Et eux aussi ont le droit d’être écoutés. Pour le reste, c’est à la table de négociation que cela doit se passer.

Par ailleurs, l’absence d’ententes avec les fédérations de médecins entraîne des conséquences sur le déploiement de la convention collective des professionnelles en soins. En guise de rappel, une enveloppe de 60 millions de dollars destinée au rattrapage des chirurgies dort actuellement faute de vous entendre avec les médecins.

Enfin, écoutez celles que vous avez exclues des consultations sur le projet de loi 101. Écarter la FIQ, qui représente près de 90 000 professionnelles en soins, c’est museler celles qui vivent chaque jour les conséquences de vos décisions. C’est un mépris pour les femmes et pour la démocratie syndicale.

Et maintenant, voilà que votre gouvernement veut ouvrir un nouveau front contre les syndicats. Ce n’est pas de transparence dont il est question, mais bien de réduire la capacité des organisations à défendre leurs membres. Vous parlez d’écoute, mais vous cherchez en réalité à faire taire les voix syndicales, celles qui portent la voix des travailleuses et des travailleurs.

La rentrée parlementaire est l’occasion de démontrer que vos paroles ne sont pas vides. Écouter, c’est respecter les conventions signées. Écouter, c’est investir dans la relève. Écouter, c’est protéger les travailleuses de la santé. Écouter, c’est prioriser le public, pas le privé.

Alors, monsieur le premier ministre, allez-vous continuer à détourner le regard, ou aurez-vous enfin le courage d’agir?