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FIQ (Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec)

Nouvelle étude de l’IRIS : recourir aux agences de placement ou comment privatiser les soins à domicile

Nouvelle étude de l’IRIS : recourir aux agences de placement ou comment privatiser les soins à domicile

Alors que le gouvernement dit vouloir maintenir les aîné-e-s à domicile le plus longtemps possible et réduire le recours à la main‑d’œuvre indépendante dans le réseau de la santé, une nouvelle étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) braque les projecteurs sur les soins à domicile, où plus du quart des heures travaillées le sont par du personnel d’agences privées. Encore une fois, il semble que le ministère de la Santé n’a pas les moyens de ses ambitions et qu’un virage à 180 degrés est nécessaire pour freiner la privatisation des soins à domiciles.

L’étude Les agences de placement comme vecteurs centraux de la privatisation des services de soutien à domicile, de la chercheuse Anne Plourde, publiée le 19 janvier, révèle que la croissance du recours à la main‑d’œuvre indépendante est deux fois plus rapide dans le secteur des soins à domicile que dans le reste du réseau, tout titre d’emploi confondu (+ 159 % entre 2015-2016 et 2019-2020 pour les soins à domicile, contre 82 % pour les autres secteurs confondus).

Le coût horaire de la main‑d’œuvre indépendante augmente beaucoup plus rapidement que celui des employées du réseau dans les services de soutien à domicile, ce qui fait que, pour les travailleuses détenant une formation collégiale ou universitaire, il n’y a pas de réelle économie à recourir au personnel d’agence. L’argument économique ne tient donc pas la route, pas plus que celui de la pénurie de main‑d’œuvre.

Selon l’IRIS, cette « supposée pénurie » s’explique, au moins en partie, par l’importante dégradation des conditions de travail des professionnelles, puisque celles qui travaillent en agences recherchent entre autres des conditions de travail décentes et une meilleure conciliation famille-travail. Ce sont donc des choix politiques et gestionnaires qui expliquent cette « pénurie », notamment dans le contexte très difficile de la pandémie de COVID-19.

L’étude expose aussi le processus de précarisation et de dévalorisation des travailleuses des agences en soins à domicile, d’ailleurs beaucoup plus nombreuses à Montréal, où la main‑d’œuvre vulnérable est surreprésentée, notamment chez la population immigrante et racisée. La moitié des établissements du Québec avaient un taux de main‑d’œuvre indépendante dans les soins à domicile de moins de 3,5 % en 2019-2020, alors que 4 des 5 CIUSSS de Montréal avaient un taux dépassant 50 %. Pourtant, certains CISSS et les CIUSSS de la région montréalaise ont des statistiques bien différentes, preuve qu’il est possible de faire les choses autrement.

Cette étude vient donc conforter ce que la FIQ et la FIQP martèlent depuis des années : les investissements en soins à domicile doivent être faits à même le réseau public. Recourir à la main‑d’œuvre indépendante, que ce soit en soins à domicile ou ailleurs, revient à financer à fort prix l’exode des professionnelles en soins du réseau public.

Réinvestir massivement dans les services à domicile afin d’augmenter le nombre de prestataires, mais aussi mieux organiser les services et planifier la main‑d’œuvre nécessaire pour répondre véritablement aux besoins des aîné-e-s, voilà à quoi il faut s’atteler dès maintenant. Accompagner les proches aidant-e-s en leur offrant du répit, de l’enseignement et un soutien financier est aussi une voie que le gouvernement doit explorer.

Faits saillants de l’étude

  • Entre 2019 et 2020, les dépenses du réseau de la santé et des services sociaux pour la main‑d’œuvre indépendante ont représenté de 15 % à 28,9 % des revenus totaux des agences de placement.
  • Le coût horaire de la main‑d’œuvre indépendante a explosé depuis la pandémie. En moyenne, une infirmière d’agence en soins à domicile coûtait 2,20 $ de moins qu’une infirmière du réseau public avant la pandémie alors qu’elle coûte désormais 11,57 $ de plus par heure. Pour une inhalothérapeute, le différentiel a grimpé de 8,50 $ à 21,37 $ de l’heure.
  • En 2019-2020, les sommes versées en achats de services auprès des agences privées atteignaient près de 500 M$. La main‑d’œuvre indépendante cumulait 10,7 millions d’heures travaillées au sein du réseau public.
  • Des multinationales en placement de personnel commencent à investir le marché de la santé au Québec, alors qu’elles n’avaient jamais fait l’objet d’appels d’offres gouvernementaux avant la pandémie.