Le travail du « care » : entre luttes féministes, privatisation et centralisation
5 juin 2025Lors du 13ᵉ congrès de la FIQ, un panel engagé a mis en lumière les transformations profondes qui affectent le travail du « care », ce travail essentiel et souvent invisibilisé de prendre soin des autres, dans un contexte de centralisation de l’État, de privatisation des services et de réformes austères. Les deux panélistes, Louise Boivin (chercheuse féministe affiliée à plusieurs groupes de recherche) et Anne Renée Gravel (professeure à l’Université TÉLUQ), ont présenté des constats préoccupants, mais aussi des pistes d’action concrètes pour se rapprocher du terrain, tant dans le réseau de la santé que dans celui des CPE.
Une dévalorisation structurelle du travail du « care »
Louise Boivin a rappelé que le travail du « care », qu’il soit rémunéré (comme celui des travailleuses de la santé) ou non (familles, proches aidantes), est historiquement dévalorisé. Cette dévalorisation s’enracine dans trois systèmes de pouvoir :
- Patriarcal: en assignant les femmes à ce travail « naturel » et sous-rémunéré;
- Capitaliste : en tirant profit du travail gratuit ou faiblement payé;
- Néocolonial : en exploitant les travailleuses migrantes, souvent sans droits.

Elle a expliqué comment les réformes des années 1980 à aujourd’hui ont appliqué des logiques managériales industrielles à des soins humains : performance, indicateurs, centralisation, hiérarchisation, privatisation. Cela a mené à une perte de sens, à une détérioration des conditions de travail et à une menace sur la qualité des soins.
Le cas des CPE : rationalisation, surcharge et perte de sens
Anne Renée Gravel a présenté les effets des réformes dans les Centres de la petite enfance (CPE), où l’on observe :
- des exigences de rentabilité (présence constante des enfants, taux de qualification professionnelle);
- l’intensification du travail (abolition de postes d’aide, surcharge, ajout de tâches connexes);
- une perte de sens du métier.
Ces transformations, accentuées durant la pandémie, ont eu des effets sur la santé mentale, la qualité éducative et l’autonomie professionnelle. La logique de gestion publique actuelle, inspirée du privé, crée une rupture entre les valeurs des travailleuses et les objectifs imposés.
Revaloriser le « care » : un enjeu féministe, syndical et sociétal
Les panélistes ont convergé sur un message : le travail du « care » est au cœur d’une société juste, humaine et solidaire. Il doit être reconnu, revalorisé et protégé. Parmi les pistes d’actions évoquées :
- Lutter contre la marchandisation du soin: redonner du pouvoir aux travailleuses, défendre les services publics, encadrer les agences et plateformes privées.
- Pratiquer un syndicalisme participatif: impliquer les travailleuses dans les décisions, bâtir des alliances, proposer des modèles alternatifs (ex. : CLSC préventifs, gestion humaine).
- Faire reconnaître les compétences invisibles : émotionnelles, relationnelles, ancrées dans l’éthique du « care ».
La FIQ mobilisée
Ce panel a confirmé la pertinence des luttes féministes et syndicales pour résister aux réformes qui éloignent les soins de leur vocation première. La FIQ continuera d’y répondre par la solidarité, l’action et la voix forte des professionnelles en soins. Parce que reconnaître le soin, c’est reconnaître celles qui prennent soin.